Un brin de pérouésie

En attendant l’ultime récit de ce voyage presque terminé, je vous propose un peu de poésie libre qu’un ami de voyage a écrite à propos du Pérou.

En remontant le cours de l’Urubamba.

Après le Salkantay et ses glaciers, la descente en zone subtropicale…

Un opossum passe d »une branche à l’autre.
Des oiseaux trop discrets pépient.
Vol ivre des papillons au nom si suave ici.*
La végétation est dense. Les verts vivent, s’affrontent, se répondent.
Sur le ballast, l’acier luit.

Des coups de trompe, il faut s’écarter.
Perurail est moderne, mais suffisamment lent.
Les pistons, les bielles,se sont effacées.
Seule la graisse tâche encore les traverses.

L’Urubamba s’assoupit sur de rares paliers de bancs de sable avant de s’engouffrer entre des blocs colossaux, en rapides saccades, cascades et remous effroyables.

De part et d’autre, les parois de granit ne connaissent ni pente ni oblique.
Seuls l’abrupt, le vertical s’élèvent si haut où se déploient et se recomposent sans fin les brumes.

Deux tunnels et la voie ferrée penètre Aguas Calientes, récente horreur qui fait que le Pérou vit une époque moderne: Pizza, Snack, Coffee, Minimarket. Des trains y déchargent des passagers aussitôt engloutis des bus et combis qui klaxonnent et foncent.

Un sentier s’en échappe sous la sombre émeraude.
Puis des échelles démentielles de branches clouées, des cataractes de pierres, parfois un câble, adossées au ciel d’où ruisselle l’étain.
Aguas Calientes n’est plus qu’un plan.
En contrebas, gronde et roule l’Urubamba.
« Subir, subir, subir »*
Autour le vide,
impitoyable.
Au sommet épargné, des roches mastodontes érodés, Putukusi.
En face, sur des terrasses trop vertes, se meuvent de dérisoires points colores.

Le lendemain, après le tumulte nocturne continu de l’Urubamba, plus du triple d’amplitude d’escaliers.

* Mariposa
* gravir, gravir, gravir

 

Après un bus de nuit :
Vols de jour.

Un jour dans les Andes argentines à deux pas de l’Aconcagua,
le tour du Salkantay, Putukusi, Machu Picchu,
Cusco, des trésors incas détruits aux Indiens éblouis des ors catholiques,
sa procession démentielle, sur les épaules dévotes meurtries le poids torrentiel de l’argent sous les broderies,
tous les saints en fuite,
des souvenirs enfouis les images s’enfuient,
envolés,
ô mémoire fragile, révelateur futile, fixateur si utile…,

À une lieue de Cabanaconde, la Cruz del Cóndor domine le cañon.
Le lieu est propice: au matin, les falaises s’échauffent, l’air est porteur, les condors défient l’apesanteur.
Si peu battent leurs ailes.
Ballet silencieux, cous rentres, rémiges écartées, tout parait si simple.
En dessous, quelque mille mètres plus bas,
coule un rio,
une fraction d’éternité.

À Nasca, dès que s’envole la brume pernicieuse, décolle le coucou, il virevolte et se gausse de la rectitude de la Panaméricaine.
Depuis un à deux millénaires,
perroquet, alcatraz oiseau-serpent, pélican, condor, colibri,
oiseaux nasca, paracas ou wari,
au sol ont figé leur vol.

Yves Raidelet

Sur l’Altiplaneau Bolivien

Alors que je quitte le pays, je sais déjà que la vie bolivienne et paceña (de La Paz­) va me manquer. Entre mélange d’aventures et de réflexions sur le pays et sa politique, je vous laisse découvrir mon récit.

Après quelques dernières heures de bus en Argentine au travers des montagnes colorées de Salta, j’arrive enfin au Nord de ce gigantesque pays, au pied de l’Altiplaneau. De là, la frontière argentino-bolivienne se traverse à pied. Malheureusement, d’après le registre informatique argentin, je ne suis jamais rentré dans leur pays, ce qui m’occasionne quelques minutes d’attente. Mais, avec trois gardes-frontières sur le cas, on m’autorise finalement à partir pour la Bolivie – qui se réfère au libérateur des Amériques du Sud, Simon Bolivar.

Locaux à La PazJe marche dans la rue les yeux écarquillés : le contraste flagrant avec l’Argentine et le Chili. Même si les gens parlent espagnol, il me semble être revenu en Asie. Le village est animé par les petites étales colorées des vendeurs de rues. Ici, fini le type caucasien commun en Argentine. Au milieu des Quechuas, Aymaras et autres peuplades, je suis un gringo – l’origine ethymologique de cette dénomination est débattue, peut-être « Green, go! » pour s’adresser aux militaires américains en amérique centrale, mais plus probablement dérivé de grec (griego) utilisé comme « c’est du chinois » en français, « hablar griego/gringo ». Les locaux avec leurs habits traditionnels, les Cholitas avec leurs chapeaux de formes propres à chaque région, leurs chargements de riz, de pommes-de-terre et d’autres céréales andines semblent tout droit sortis d’un autre monde. Les marchés locaux, qu’ils soient regroupés dans un des nombreux mercado, ou simplement dispersés dans les rues des villes ou villages boliviens, présentent une variétés de fruits et de légumes de couleurs appétissantes. Les centaines de sortes de pommes-de-terre rappellent aux visiteurs que l’Altiplaneau est le berceau de cette tubercule dont le rapatriement et l’adoption en Europe depuis le XVIème siècle grâce au conquistadors a offert une stabilité alimentaire qui permettra la domination coloniale du Vieux Continent sur le Monde, et qui, plus tard, sera le moteur alimentaire de la révolution industrielle.[1]

La montée un peu rapide en altitude me cause quelques légers maux de têtes, le temps de l’acclimation qui est facilitée par le paracétamol et la mama inala – la coca à mâcher en Quechua. Sa production, vente et consommation, absolument légales en Bolivie font qu’il n’est pas rare de croiser des personnes avec des joues de hamster remplies de ces feuilles contenant à des doses très faible le fameux et illégal alcaloïde dérivé de celles-ci : la cocaïne. La coca est a juste titre utilisée par les locaux depuis plus de 5’000 ans pour ses multiples propriétés pharmacologiques puisque, en plus de la bien connue cocaïne, elle contient plus de quatorze molécules actives dont quelques unes aident effectivement à contrer les effets physiologiques de l’altitude.

Sunrise on the SalarJe pars, donc tout d’abord depuis le Sud du pays, à la découverte des lagunes multicolores et du fameux Salar d’Uyuni. Quelle surprise pour moi de voir des flamants roses pataugeant paisiblement dans la Laguna Colorada à 4’300 mètres ! Il faudra que je révise mon éthologie un de ces jours. Les différentes lagunes rouges, vertes, ou bleues doivent leurs couleurs aux minéraux,  aux sédiments ou aux sortes d’algues. Ce désert de sel a été formé par la lente transformation géologique et l’évaporation d’un lac préhistorique. D’une superficie d’un quart de la Suisse, il est le plus grand du monde et comporte une richesse incroyable en Lithium dans une très haute concentration parmi ses soixante-quatre milliards de tonnes de sel. Cette manne représentant la moitié du Lithium mondial est actuellement inexploitée par refus du président de partager le marché avec les investisseurs étrangers, alors que la Bolivie ne possède pas la technologie nécessaire pour son extraction. Cette situation profite donc au Chili qui détient lui aussi une grande réserve de ce composant fortement demandé par les pays industrialisés pour les batteries de nos trop nombreux appareils électroniques.

Miners above PotosíLe Lithium n’est qu’une des nombreuses ressources naturelles disponibles en Bolivie. Mon ascension continue, en effet, vers Potosí, une ville minière perchée à 4’000 mètres d’altitude. Ce fût la plus grande ville du monde avec plus de 200’000 habitants au temps des espagnols pour l’extraction de l’argent présent à profusion dans le Cerro Rico – littéralement, le mont riche – surplombant celle-ci. Cette montagne, culminant à quatorze mètres de plus que le Mont Blanc, est une vraie fourmilière dirigée par le Tio – l’oncle, une des personnification du Diable. Selon la légende locale, les espagnols auraient passé un pacte avec le Diable pour l’exploitation minière sur l’Altiplaneau. Celui-ci aurait eu deux fils, dont un veille actuellement sur la mine de Potosí et auquel les mineurs offrent régulièrement de la coca, des cigarettes, des fœtus de lamas et de l’alcool à 96°. La pureté de l’acool offert au Tio et par procuration sur son phallus à la pachamama – la déesse andine de la Terre-Mère – refléterait la pureté du minerais extrait ensuite. Cette mine entièrement creusée et exploitée par des individus ou des petits groupes dans des conditions de travail difficile est bien loin de toutes considérations de sécurité de l’occident. À l’intérieur, la forte odeur soufrée rend la respiration dans l’air hypobare de ces hautes altitudes encore plus courte. Les galeries pour certaines datant de la fondation de la ville en 1545 par les conquistadors sont partiellement effondrées. Lors de notre visite nous échangeons quelques mots, boissons, sacs de coca avec les mineurs et même quelques pelletées de minerais, exténuantes dans l’air trop rare. J’avoue que cette descente aux enfers est probablement une des aventures la plus dangereuse que j’ai faite durant mon voyage. Après deux heures passées dans les conduits infinis du Cerro Rico à l’éclairage blafard des lampes frontales, le retour à la lumière du jour était des plus attendu. Les mineurs, qui passent de 6 à 12h par jour dans la mine en fonction de l’avancée de leur travaux, peuvent, selon la qualité du minerais, obtenir au environ d’une centaine de francs suisses bruts par semaine. De nos jours, une première transformation est effectuée proche de Potosí, puis le minerais part en train vers le Chili pour la suite du processus, avant de passer en mains occidentales. Alors que, durant la période hispanique, l’argent était raffiné, fondu, laminé et frappé en monnaie directement sur place avant d’être rapporté en Europe. La langue espagnole rend(ait) hommage à la richesse extraite de ce lieu dans son expression « vale un potosí » – valoir une fortune.

Je descends ensuite vers Sucre, la ville blanche. Dans les rues de cette ville universitaire et capitale constitutionnelle de Bolivie, je me sens vieux. En effet, en Bolivie plus de la moitié de la population a moins de vingt ans. La pyramide des âges de ce pays est vraiment triangulaire avec une large base, au contraire de nos pays industrialisés. Je profite de l’endroit pour partir trois jours en trek dans la région de Maragua, particulière pour son cratère dont les origines sont débattues : météorite, volcan, affaissement… Je rentre en ville sur le pont d’un camion avec les locaux. Au début, mon appareil photo en bandoulière m’attire des regards noirs et méfiants. Quelques clichés de la vue et des séquences vidéos en poche (pour mon film de Swiss Explorer), je range celui-ci et sort un petit sac de feuilles de coca que je partage avec mes voisins. Les visages se dérident, les yeux noirs laissent place à des sourires, presque complices.

Quelques jours plus tard, me voilà à La Paz, une ville densément construite dans une vallée de roches sédimentaires. Elle compte avec ses agglomérations voisines presque deux millions d’habitants. Aucune partie du friable coteau n’est épargnée par les maisons rouges brique. Ici, les bâtiments rivalisent avec les cheminées de fée – appelées pyramides, en Valais – dressées par l’érosion. Cette ville offre une diversité et disparité incroyable : le centre et la zone Sud pourrait très bien être part d’une ville occidentale avec ses boutiques de grandes marques, ses restaurants, ses bars et ses centres commerciaux, alors qu’en direction de El Alto – la banlieue supérieur de la cité – les maisons très rudimentaires et les marchés de rue indiquent que la majorité de la population vit avec seulement quelques dollars par jour. La foison de produits frais qui couvre toute la gamme de fruits exotiques et allant jusqu’aux poissons est impressionnante, d’autant plus lorsque l’on considère l’altitude entre 3800 et 4000 mètres à laquelle siège la ville. Bien entendu, cette variété est possible par la proximité, à moins de 50 kilomètres de la jungle et son humidité et de la latitude du pays.

Locals at the Tarabuco's Sundays marketIl est vraiment surprenant que partout dans le pays, on retrouve les même micro-entrepreneurs qu’en Asie : cuisiniers de rue, chauffeurs de bus, mineurs, vendeurs ambulants au stock allant d’une centaine de bolivianos (environ 15 CHF) à des échoppes proposant un plus large spectre de biens. Le système est entièrement similaire à l’Asie : les personnes possèdent un rien (ou l’emprunte) pour lancer un nouveau business, qui est parfois réglé par un groupement (pour les minibus, par exemple), mais il n’y a aucune innovation ou différenciation, probablement trop coûteuses. Ainsi, il est normal de voir dix à vingt échoppes voisines vendre le même lot limité de produits, idem pour les vendeurs de jus de fruits ou d’autres salteñas, panchos ou burgers. Inlassablement, semble-t-il, l’offre se répète, au même prix. Si on considère la société comme un macro-organisme, on voit que les contraintes imposées par le milieu, économique dans ce cas, influence l’évolution vers solutions identiques, mais pas forcément optimales. En effet, aucun de ces auto-entrepreneurs ne bénéficie d’assurances maladies ou d’autres protection de l’État, alors que les conditions de travail sont précaires, surtout, si à côté il y a une autre personne qui fait ou vend exactement la même chose. Au niveau des édifices simplement en briques de terre-cuite orangées, l’histoire est également pareille qu’en Asie : en fonction des économies du propriétaires, la maison aura un ou plusieurs étages, mais avec toujours, le suivant en attente d’être construit. Parfois une pile de briques devant la maison est prête à être posée. Il semblerait que dû à la difficulté d’accéder à un système d’épargne bancaire viable pour ces micro-revenus, la meilleure stratégie de disposer des petits surplus est de construire petit-à-petit plutôt qu’épargner et de construire ensuite.[2]

TelefericoLe nouveau téléférique pour le transport de masse, que j’ai eu la chance de prendre le jour inauguration, est une excellente idée pour désengorger les routes surchargées de la capitale administrative du pays. La première ligne actuellement ouverte relie La Paz à El Alto en environ dix minutes, trois à quatre fois moins que les mini-bus passant par l’autopista. Deux nouvelles lignes connecteront le centre et la Zone Sud de la citée. On se demande, toutefois, si l’investissement était de première nécessité alors qu’il n’y a aucun système de retraitement des eaux et que nombre d’habitations sur les versants n’ont pas d’accès à l’eau courante. Ce projet est le reflet de l’image que veut se donner Evo Morales, l’actuel président. Partout en Bolivie, ce qui frappe le voyageur c’est le populisme de celui-ci : une vraie icône, omniprésente, martelant son engagement pour chacune des causes possibles, aucune super-star holywoodienne ne bénéficie d’une telle présence médiatique chez nous. Clairement, le pays a subit une r-Evo-lution depuis sa nomination : de forts investissements ont été réalisés dans les infrastructures du pays et dans de nouveaux édifices publiques, mais ceux-ci semble plus ciblés pour en mettre plein la vue aux citoyens que pour couvrir un réel besoin. Bien sûr, on salue le développement et l’amélioration du réseau routier dont seul quelques 3–5% sont pavés, dans l’accés à l’électricité et prochainement au gaz ou l’alphabétisation et le meilleure accès aux soins médicaux. Toutefois, on note que l’argent utilisé provient pour la majorité des entreprises nationalisées dernièrement, principalement dans les hydrocarbures. De source orale, dans deux ou trois ans, l’exploitation actuelle, sans réinvestissements dans de nouvelles sources de profits, est vouée à l’effondrement avec l’épuisement des ressources connues. Au détour des conversations avec les locaux, on m’explique les copinages, exemples à l’appuis, ou encore l’utilisation déraisonnée de l’argent pour l’achat d’un jet destiné à un cheikh arabe. Mais la voix est quand même quasi-unanime, au moins avec monsieur Morales les choses Evo-luent. L’économie en générale semble florissante et prometteuse, mais je pense que le peu de confiance dans la politique nationaliste du pays rebute probablement les investissements étrangers, ce qui a pour effet de plomber la valeur de la monnaie locale. Les prix proches du Népal semblent difficilement croyable lorsque l’on compare les potentiels actuels de ces deux économies.

Ruta de la MuerteBien ancré sur l’Altiplaneau, je n’irai pas voir l’Amazonie, à part une journée pour voir le paysage de la trop fameuse route de la mort. Je profite donc de l’altitude et de la température agréable pour marcher, courir et même nager dans la piscine olympique la plus haute du monde. Celle-ci est probablement aussi la piscine la plus politisée du monde. Elle fût construite en 1977 pour les jeux boliviens et ceux d’amérique du sud de l’année suivante, mais fermera ses portes quelques mois plus tard pour plus de trente ans. Depuis la fin de l’année passé, à grand coup d’investissements, elle a été rouverte par le grand timonier surveillant de son affiche géante dans hall de la piscine les rares nageurs. Résistera-t-elle longtemps à sa prochaine réélection ? Les locaux un peu informés en doutent, mais tentent d’en profiter au mieux.

Huayana Potosí from ChacaltayaProfitant de mon acclimation à La Paz, je décide de faire une petite balade jusqu’au sommet du Huayana Potosí à 6088 mètres, mettant ainsi la barre assez haute pour un prochain sommet, surtout dans nos petites Alpes. Il est une heure du matin, d’étranges créatures à six pâtes, trois têtes et autant d’yeux brillants se déplacent en émettant un bruit de vieille mécanique rouillée dans la nuit noire. Ces bizarres insectes paraissent attirés par la lueur des étoiles qui se reflètent sur la neige blanche devant eux. Leur ascension semble continuer droit vers la Voie Lactée. L’air est rare et les étoiles ne scintillent pas ici. Les pas cramponnés dans la neige et la glace se font lourds, alors que délicatement, le Soleil peint l’horizon d’un orange vif. Les créatures avancent péniblement sur la dernière arrête accrochant une de leur patte métallique sur la crête neigeuse et vérifiant à chaque pas la stabilité de leurs pas. Voilà! Après un peu plus de cinq heure trente de marche, le sommet ! Le vent, le froid, la fatigue, l’altitude a endolorit les trois têtes de la cordée, mais la joie d’y être arrivé dérident les visages de l’insecte. Toutefois, l’apparition prochaine du Soleil semble effrayer les créatures qui se remettent rapidement en route ancrant fermement leurs crampons dans la pente raide du sommet pour redescendre.

J’ai trouvé plein de magie en Bolivie, un mélange culturel très intéressant, les échanges auront été aussi plus profonds avec les locaux qu’en Asie puisque que la barrière de langue est tombée. Je quitte le pays le cœur lourd mais ravis et la tête remplie de moments inoubliables ici.

 [1] L’Histoirede la pomme-de-terre
 [2] The Poor Economics

Album Flickr

« El Gringo » en Bolivie

Voilà ! Grande nouvelle? J’ai soumis mon dossier de candidature pour le poste de SWISS Explorer !

Making off Swiss Explorer
Making-off dans le café suisse de La Paz

Mon plus grand défit fût de monter mon premier film. Je me rend compte désormais de tout le travail réalisé en amont sur les prises de vues, les scènes et l’assemblage d’un film… d’à peine deux minutes. J’avoue qu’un trépied aurait été des plus utiles… mais ça sera pour une prochaine fois. Le plus grand problème que j’ai rencontré était de filmer dans un pays où les gens abhorrent les appareils photos par croyances et par incompréhension devant les gringos se baladant avec leur engin autour du cou. Mais voilà ci-dessous, après un grand nombre d’heures de travail voilà donc mon petit montage.

Le dossier de candidature nécessitait également l’écriture d’un texte suscitant l’envie de voyage en anglais, que je vous avez déjà partagé il y a quelques jours. Voir le dossier de candidature complet.

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Voir sur le site de SWISS Explorer

De l’économie des hiboucs

Changement de sujet! Je vous présente un petit coup de gueule sous forme de petit cours d’économie numérique pour les nuls (et surtout pour les vendeurs de livres en ligne) que j’ai ruminé à chaque fois que j’ai voulu m’acheter un nouveau livre électronique durant mon voyage.

Les hiboucs (plus souvent nommés ebooks ou livres électroniques) sont simplement des livres dématérialisés. Je n’entrais pas dans le débat sur l’intérét du grain du papier de certains amateurs de livres, car tout comme pour la musique et les vinyls, il existe et existera toujours des amoureux de l’objet en lui-même, mais ce n’est pas où je veux en venir.

ebook-tribehutD’un point de vue social et culturel, personne, même Monsieur Fnac dans son livre La Gratuité c’est du vol, ne doute de l’intérêt général que chacun ait accès à l’information et à la culture – même si là, la définition de celle-ci peut diverger. Les hiboucs ne contiennent donc que le texte sous forme électronique. Or, la fonction première des ordinateurs et de tous les appareils électroniques et de faire des copies, de transférer et d’afficher de l’information électronique. Nous possédons en plus de cela un outil fantastique, dont les penseurs du Siècle des Lumières n’auraient pas pu rêver : L’Internet. Toutes ces machines à copier sont, en effet, reliées entres elles par Le Réseau et peuvent donc potentiellement accéder à tout ce qui est mis en ligne. Tous les nouveaux livres et probablement une grande partie des anciens livres, ainsi que toutes leurs traductions, existent en version dématérialisée sur au moins un ordinateur. Ainsi, si on le souhaiterait, chacune de ces versions pourrait être accessible à toutes les autres machines du réseau et donc immédiatement à un nombre incroyable de lecteurs. La copie d’un livre d’une machine à l’autre a un coût économique quasiment nul et est techniquement basique du moment où il existe déjà une multitude de magasins électroniques dans lesquels il suffirait de déposer la première copie du livre.

Pourtant, tout n’est pas pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. Les maisons d’édition datant du siècle passé continuent de penser analogiquement qu’un hibouc est — ou, pour les plus évoluées, devrait être — l’équivalent pur et dur d’une copie papier. Or, la version papier d’un livre est un bien rival : je ne peux pas lire le livre si je vous le prête. Ainsi, des sommes d’argent considérables sont investies dans des moyens techniques, inefficaces pour la pluspart, pour raréfier et contrôler les versions électroniques. Ces sommes sont probablement bien plus importantes que celle qui seraient nécessaires à mettre à disposition tous les anciens livres et leur traductions. Continuons ce petit cours d’économie numérique, si il est possible de mettre en ligne un nombre gigantesque de livre pour une clientèle équivalente à la population connectée au réseau, nous pouvons ainsi facilement générer des revenus colossaux. Imaginez les revenus potentiels, s’il y a pour chaque édition de livre une petite centaine de lecteurs prêts à payer quelques dollars pour y accéder ! C’est ce que les économistes appellent la longue traîne. Dans la version matérielle ceci est plus dur, puisqu’il faut disposer d’une bibliothèque gigantesque avec tous les livres dans toutes les versions avec les coûts et les difficultés de distribution qui s’en suivent.[1] La demande cumulée pour les livres niches pourrait même dépasser la demande totale des bestsellers et donc être plus rentable que ces derniers. Oublions la loi classiques et désuète de Pareto qui dit que seul une production sur cinq sera rentable, surtout si le coût de mise en ligne est plus bas que de procéder à une analyse de marché. Passons du monde de la rareté à celui de l’abondance que nous offre la capacité de copie des machines de notre fabuleux réseau.

Pour résumé, il est possible et facile techniquement de mettre à disposition TOUS les livres dans TOUTES les langues à disposition sur le réseau et ainsi offrir un accès incroyable à la culture et à l’information à tout un chacun.[2] Et oui, je suis convaincu que les lecteurs sont prêts à payer un prix équitable, donc moindre que la version papier, pour un accès facile, direct, de qualité et sans verrou à sa lecture. Et, je ne doute pas que si l’accès légal et payant est plus aisé et plus rapide que de passer par la recherche sur des réseaux de distribution parallèle, l’énorme majorité passera par la caisse. Au lieu de cela, voilà la situation actuelle lorsque vous voulez acheter légalement un hibouc :

eBookMall: Bummer! Unfortunately, this eBook is not available to be purchased from your location. Some book publishers restrict sales of their eBooks to specific countries and territories. We’re sorry that you weren’t able to purchase this one, but please continue shopping for other eBooks.

Fnac: Titre non vendable dans votre zone géographique

mitpress-ebooks: eBooks purchased from this site are not available as downloadable PDFs and are not compatible with eReaders such as Nook or Android Smart Phones that are less than 7 inch in Screen size(height). Android App can be sideloaded on Kindle Fire- Instructions can be found here

Thalia.ch: HINWEIS: Dieses eBook kann aus rechtlichen Gründen nur mit Rechnungsadresse in D, A, CH ausgeliefert werden.

Google: Sorry! Books on Google Play is not available in your country yet. We’re working to bring the content you love to more countries as quickly as possible. Please check back again soon.

Barns&Noble (Nook): We’re sorry, but this product is only available within the U.S.

Books a Million: This item is available only to U.S. billing addresses.

Tout ce que j’ai dis pour les livres est également vrai pour chaque morceau de musique, chaque article de presse, chaque film. J’ai un rêve que demain je pourrai lire n’importe quel livre dans n’importe quelle langue… et je suis même prêt à payer pour ce service. En attendant, je continuerai à contourner les limitations techniques et l’absence d’approvisionnement par les réseaux parallèles… Et si les grands éditeurs prétendent que la piraterie (mot utilisé à tort au fait… car je ne crois pas que l’internaute moyen procède par attaque armée pour obtenir ce qu’il veut) sape leurs revenus, je pense plutôt que c’est leur incompréhension des possibilités offertes par les nouvelles technologies qui en sont responsables. Je les encourage donc à lire L’Age du Peer ou The Long Tail de Chris Anderson qui nous dit si bien :

Le marché potentiel des livre pourrait être doubler, si seulement on sortait de l’économie de la rareté.

[1] Et pourtant, c’est le modèle de fonctionnement de Amazon, donc même dans l’économie matérielle la longue traîne fonctionne.
[2] Bien entendu, il reste encore beaucoup de monde à connecter au réseau, mais cela s’accélère et la distance moyenne à une machine connectée au réseau même dans les pays en voie de développement se réduit de jour en jour.

Photo ebooks et tablettes CC-BY-SA par Zak Mensah tribehut, Flickr

Magic Marvelous Myanmar

In the mean time, while the jury is reading and reviewing all the 1000+ applications they received, I post here the wanderlust text I wrote for the SWISS Explorer contest (Download a formatted pdf version). As soon as my video will be activated on the SWISS Explorer website, I’ll let you know, since I’m sure you will like it. As you will notice this text is inspired by my previous post in French about Myanmar and was shorten to fit the contest’s rule.

Lever de soleil sur BaganMyanmar! What a marvelous place! Thousands of Buddhas are living there surrounded by an uncountable amount of golden stūpas! In this region of the world, modernity and local cultures mix together in a deep respect of Buddhist traditions. Thus many monks surf the web on their smartphones using the free wireless connexion provided in the Shwedagon Pagoda in Yangon, surely the most impressive one of the country with its hundreds of golden roofs. Since the lifting of western embargo, automatic transfer machines have flourished all around, even in worship places of the biggest cities. Nowadays, Myanmar counts more than 700’000 monks, about twice the number of annual foreigner visitors, so the traveler get rapidly used to see buses filled with purple and red tunics instead of Japaneses cameras. Of all the country’s odds surprising the traveler, the most obvious are the bloody red Burmese smiles caused by the continuous chewing of Betel – a strong psychoactive made of areca nuts and betel leafs. In Myanmar, most of the people still wear the traditional longy — a cylindrical piece of cloth attached at the waist in different ways for men and women. But, even the young girls, who adopted jeans and t-shirts, still cover roughly, like tribal art, their cheeks with thanakha – the local wood based solar cream.

The most special place of this unexpected country is definitely Bagan. Bagan, this city, many times capital of the Burmese kingdoms, inspires visitors since hundreds of years. Marco Polo should have said about that it as a « gilded city alive with tinkling bells and the swishing sounds of monks’ robes ». Impossible to render in words even a tiny glimpse of the Bagan’s magnificence: thousands of stūpas and even more Buddhas keep the visitor under charm for days. At the sunrise, dozens of stūpas and temples coming straight from fairy tales are emerging at the horizon like the puppets of a shadow play. Slowly, the Sun’s rays sweep delicately the morning mist in which are floating mysteriously the stūpas. To conclude this magical show of the nature in a fireworks, many balloons fly graciously over this marvelous landscape. The visitor who have had the chance to see this spectacular play of the Sun will never forget it.

Myanmar, this mysterious country, still ignored by tourists, is like a bubble outside of modern times where the Buddhist beliefs are felt as well in the honesty of its population as in its landscapes decorated magnificently from East to West and North to South by Buddhas images and golden stūpas. I could only suggest you to add on our list of things to do: « Discover Myanmar ».

L’Argentine

Je pourrais vous parler longuement de l’Agrentine. Je pourrais, tout d’abord, vous conter les fabuleux paysages automnaux de Patagonie et vous faire vivre l’ambiance de fin du monde qui y règne. Je pourrais, aussi, vous faire saliver en parlant des kilos de viande si tendre et goûtue qui grillent doucement, chaque jour, sur les asadors[1] des parillas[2] de tout le pays. Je pourrais, facilement, vous ennuyer en relatant les cents cinquante heures de bus accumulées pour parcourir des distances démesurées au travers de splendides décors d’une monotonie probablement insoutenable pour les conducteurs. Je pourrais, bien entendu, vous faire rêver en parlant des bris de séracs et des craquements explosifs du massif glacier Perito Moreno – un des rares glaciers qui avance encore – une force de la nature incroyable. Je pourrais, ensuite, vous ramener en Suisse en dépeignant les lacs encerclés de montagnes et de forêts de Bariloche et de la région des sept lacs. Je pourrais, tout aussi bien, titiller votre palais en décrivant les arômes fruités et boisés des malbecs, cabernet-sauvignons, pinots noirs, syhras, merlots élevés dans la région viticole de Mendoza régulièrement balayée par le puissant Zonda qui ferait pâlir le Fœhn valaisan. Je pourrais, sans difficulté, vous faire danser au rythme du tango en parlant de Buenos Aires, de ses ferias[3] hebdomadaires, de ses innombrables restaurants, bars et clubs. Je pourrais vous transporter aux temps des colonies en décrivant les architectures de l’époque, les Plaza de Armada et les Rues San Martin des villes argentines. Je pourrais, également, vous faire vibrer en racontant le grondement des massives chutes d’Iguazú. Je pourrais vous parler longuement de l’Argentine — un pays magnifique de culture européenne – mais je préfère vous laissez voyager en images.

 [1] Grand grill argentin
 [2] Steakhouses
 [3] Foire artisanale et le marché aux puces

Album Flickr

Qu’est-ce un voyageur ?

Déjà plus d’un mois que j’ai quitté l’Asie. En Argentine, à nouveau immergé dans une culture occidentale, sur laquelle je reviendrai probablement dans un prochain billet, l’enchantement de l’Asie ne cesse de raisonner dans ma tête. Les réflexions de voyages ont laissé naturellement place à d’autres pensées plus personnelle, mais suffisamment générales pour que je souhaite vous les partager ci-dessous.

mapProbablement que tranquillement assis derrière votre bureau et enfermé dans votre routine quotidienne, vous enviez le voyageur, cet être nomade, sans attaches ni obligations. Vous imaginez sa vie comme douce et facile… peut-être. Un voyageur c’est avant tout une personne proactive[1] qui a décidé de partir parce qu’elle en avait l’envie et qui s’en est donné les moyens. C’est un choix — non une chance — qui est à la portée de chacun qui souhaite le faire.[2]

Une fois sur la route, le voyageur est cependant amené à faire des choix en permanence. Le voyageur a parfois les doutes sur la suite de son chemin. Il doit créer lui-même ses prochaines opportunités. Bien sûr, celles-ci sont souvent là, à portée de sourire et d’un échange avec d’autres personnes ou d’une confirmation de réservation. Tout cela se transformera très probablement en nouvelles belles expériences. Les choix sont omniprésents. Le voyageur doit constamment se mettre hors de l’équilibre pour continuer son chemin vers des lieux inconnus, ceux-ci ne viennent pas à lui, pas plus que l’exotisme d’un voyage n’atteindra votre chaise de bureau, sauf par l’intermédiaire blafard de votre écran d’ordinateur.

Au travers de ses choix, le voyageur apprend à lâcher prise sur son environnement qui change en continu. Il se rend compte de tout ce qui ne dépend pas de lui et ne prend pas la peine de se laisser affecter par les évènements ou situations qui ne méritent pas d’être considérés. Tout au plus il en prend note. Il tente de rester proactif et adapte sa manière d’être pour profiter de tout ce qui est à sa portée et il se sent rapidement chez lui à peu près n’importe où.

Ce constant changement apporte un nombre fou de merveilleuses rencontres et d’incroyables découvertes. Pourtant en même temps, il apporte son lot de doutes et d’incertitudes. L’absence de repères durables, comme dans votre vie rythmée par les habitudes, est parfois troublante et déstabilisante. Les seuls accroches du voyageur sont ses racines et ses amis de longue date, mais ceux-ci, peut-être trop perdus dans leur routine et croyant que le voyage suffit à notre voyageur ou jaloux de lui, ne prennent pas la peine de lui répondre ou lui rappeler qu’ils sont là et qu’ils pensent à lui même si loin. Le voyageur même encerclé de possibilités, d’amis et de nouvelles rencontres peut se sentir parfois seul et perdu.

Chaque étape est un nouveau début. Le voyageur doit quitter ses habitudes, ses repères et ses nouveaux amis. À chaque pas, il réapprend à dire au revoir aux gens extraordinaires rencontrés au hasard de la route. Le voyage s’est aussi une suite d’adieux.

Le voyageur voyage. Il doit rester proactif pour avancer, faire des choix… savoir partir, savoir dire au revoir. Parfois le voyageur souhaiterait bien qu’on lui donne sa prochaine destination, qu’on le prenne par la main pour l’y emmener, qu’on vienne le chercher. Et parfois, le voyageur ne sait pas dire au revoir parce qu’il sait qu’il pourrait rester ou changer sa direction et que l’instant présent est éphémère. Mais le voyageur n’oublie pas que ce sont ses choix qui l’ont amenés ici et grâce à eux il a pu vivre une foule d’aventures.

 

Photo : CC-BY Alexander Baxevanis (Flickr)

[1] Dans le sens de ne pas se laisser simplement influencer sans réaction aux stimulations extérieures, comme le définit l’excellent S. Covey dans son livre Les Sept Habitudes des gens efficaces.
  [2] La vraie chance, c’est d’avoir grandi en Suisse, d’avoir toujours eu à manger, un toit, une famille, d’avoir pu étudier, et aussi de pouvoir faire confiance aux institutions politiques pour la garantie de la stabilité économique et des opportunités de travails à mon retour.

Là-Haut ? Au Laos !

Après de grandes hésitations, je me suis quand même décidé de descendre la Nam Khong — plus connue sous le nom occidental de Mékong — sur un de ces fameux « slow boat » — des sortes de péniches allongées utilisées pour le transport fluvial. Deux jours durant, je me laisse ainsi porter par les flots et l’assourdissant rugissement du moteur dans de sublimes paysages où les collines verdoyantes guident le Mékong sur sa voie vers le Sud. En saison sèche, les nombreux rochers menaçant les embarcations rendent la navigation peu aisée. Un groupe de suisses que je rencontre en a justement fait la mauvaise expérience. Ils avaient acheté une petite braque pour faire la trajet par eux-même, mais les pièges du Mékong ont rapidement mis fin à leur aventure. Cette voie d’entrée au Laos est probablement la plus touristique qui existe. Il est difficile de se sentir dans une nouvelle culture car ce chemin tout tracé est semé d’autant arnaques que de chauffeurs de tuk-tuk. Ma croisière se termine à Luang Prabang où il y reigne comme un petit goût de Paris. Cette ville a gardé sa culture française tant dans les architectures coloniales que les noms de rue et surtout dans ses boulangeries. Après tant de mois, je me fait un plaisir de déguster à nouveau une baguette croustillante et des croissants au beurre bien gras.

Une jarreJe me rends ensuite à la Plaine des Jarres, bien moins touristique et surtout chargée d’histoire. Dans cette région, sur divers sites, sont dispersées des centaines de jarres de toutes tailles mesurant jusqu’à deux mètres de haut pour la plus grande. Celles-ci auraient servies aux géants de cette contrée pour trinquer à la bière de riz lors de leur victoire sur l’envahisseur — enfin, d’après la légende locale. Les archéologues ne sont toutefois pas en mesure de fournir d’explications totalement satisfaisantes sur l’origine et l’utilisation de ces jarres.[1] On sait que celle-ci ont été, dans cette région, simplement creusées dans des rochers de plusieurs tonnes arrachés aux montagnes plus de 200 kilomètres au Nord. Certains prétendent qu’elles auraient servies comme urnes pour les préparations funéraires et les crémations, mais les restes humains enterrés autour des jarres n’appuient que partiellement cette hypothèse. Entre les jarres, les cratères de plus de dix mètres de diamètre ainsi que le balisage rouge et blanc du déminage nous rappelle une part peu glorieuse de l’histoire moderne. Cette plaine fût en effet théâtre de bombardements massifs par l’armée américaine durant la période de la guerre de Vietnam. Même si officiellement les USA ont quitté le Laos au début des années soixante, des centaines de millions de sous-munitions ont été larguées ici. Celle-ci étaient malheureusement peu fiables; plus de 30% ne se sont pas déclenchées. Il reste ainsi une énorme quantité de ces ordonnances-non-explosées (UXO) — les bombies, comme les locaux les appellent — qui attendent qu’un malheureux les déclenchent ou qu’elles soit désamorcées par les organisation de déminage.

Tranquillement terré au fond d’un garage, j’en apprends plus sur cette guerre secrète menée par l’Agence Centrale de Renseignements américaines (CIA) grâce à un documentaire Arte théoriquement banni du Laos. La zone au Sud de la plaine de Jarre a en effet rapidement gagné en importance pour lutter contre l’avancée du Pathet Lao. Quelques agents de la CIA ont ainsi été chargés de monter une armée locale avec les hommes de la tribu des Hmong. Le quartier général de cette opération cachée était basé à Long Cheng (Tieng, ou Chieng), plus connu à l’époque sous le code de le Lima Site 20-Alternate (LS20-A). Je me passionne pour cette histoire et cherche à en savoir plus et m’informe sur les moyens de visiter cette ville secrète dont le nom signifie « vallée degagée » et qui, bien qu’abandoné depuis quarante ans, possède toujours une piste d’atterisage suffisamment longue pour y poser un avion de ligne  entour. Cet aéroport fût la plus grande installation américaine sur sol étrangé durant la guerre du Vietnam et devint en 1969 un des plus utilisés au monde. Lors de l’évacuation des lieux en 1975, plus de 50’000 soldats et réfugiés vivent dans cette ville qui ait ainsi la deuxième plus grande ville du Laos

Deux jours plus tard, je tient mon billet pour Long Cheng et suis plus que motivé à subir les huit à dix heures de routes sur le pont d’un camion 4×4 pour voir ce endroit de mes propres yeux. À l’instant de monter à bord, le chauffeur m’annonce malheureusement qu’il refuse de transporter un étranger. Même si théoriquement le gouvernement à démantelé cette zone secrète et créé une nouvelle province, on m’avait mis en garde sur l’existance de plusieurs points de contrôles armés le long de la route. Les locaux n’étaient que peu surpris mais pas inquiet de m’entendre parler de cette ville et pratiquement personne ne m’a déconseillé d’y aller. Je tenterai une visite une prochaine fois. Je m’en vais finalement par le bus de nuit vers Ventiane

Direction Longcheng ?Après quelques jours relaxant, dans le mélange de culture laotienne et française de Ventiane, je quitte cette trop calme capitale pour aller à l’aventure dans les environs, accompagné désormais de Aline, déjà rencontrée au hasard de mon chemin à Luang Prabang. Nous enfourchons des motos, direction Xaysomboune juste au Sud de LS20-A. En partant, j’ai quand même un peu d’espoir d’arriver tout proche de Long Cheng, mais je me résous à abandonner mon idée car les derniers cinquante kilomètres sont quasiment impraticables, surtout avec nos petites cylindrées plus adaptées aux villes qu’aux chemins. Le premier soir, après pas mal de kilomètres de pistes, nous rencontrons un groupe de locaux joviaux qui nous invitent chaleureusement à partager la soirée de St-Valentin avec eux. La bière Laos coule à flots, mais malgré ce handicap, Aline assure quelques beaux points à la pétanque — un autre lègue de la colonisation française. Le lendemain notre périple se poursuit sur une route flambant neuve en direction de Phu Bia — la plus haute montagne du pays. Lorsque nous nous arrêtons en fin de matinée pour manger, j’observe un groupe de gens en pleine cérémonie. En moins d’un instant, nous sommes invités à ce mariage bouddhiste traditionnel (organisé selon les coutumes Thaïlandaises) et aussi vite que les sourires et les regards se dirigent vers nous, des verres de bière Laos nous sont servis. Nous participons à la partie du rituel, où les invités attachent aux poignets des mariés des rubans de coton garnit de billets. Ils nous est difficile de refuser l’hospitalité des villageois, même s’ils nous semblent par moment voler la vedette au nouveau couple. Finalement, en tant qu’inivité d’honneur nous sommes même servis les premiers et nous nous régalons de lap — un succulent plat typiquement laotien à base de viande hachée mélangée avec diverses herbes aromatiques, dont de la menthe et du basilic et plutôt relevé.

Avec les mariéQuelques heures et bières plus tard, nous nous échappons malgré les multiples recommandations et invitations a rester là pour participer à la grande fête ce soir. D’ici, les choses se corsent, le chemin de terre que nous empruntons est parsemé de cailloux et rochers. Jusque là, la piste et la route étaient vraiment bien entretenus pour faciliter le passage des multiples convois de camions chariant cuivre, argent et or extrait dans la mine à ciel-ouvert bordant le dernier village où nous nous sommes arrrêtés. De gestion australienne, la taille imposante de ce complexe minier ne laisse aucun doute sur l’importante entrée d’argent qu’il génère. Bien que cette industrie fournisse un grand nombre d’emplois pour les locaux, elle est en train de modifier complètement la région et le contraste est flagrant entre vie paysanne et la vaste mine à ciel ouvert nivelant tout le paysage : extraction, nouvelles routes et centrales hydro-électriques. Plusieurs bassins de retenue ont été construits pour couvrir la gigantesque demande énergétique des tris et raffinage des minéraux extraits. Si bien que la suite de notre route se trouve désormais plusieurs dizaines de mètres sous l’eau. Nous chargeons donc nos motos sur une barque pour traverser ce recent lac artificiel dont même les cartes du trop fameux moteur de recherche ignorent l’existence. (On notera, au passage, que la nouvelle liaison par ferry existe sur les cartes libres d’OpenStreetMap.)

Je suis interpellé par le grand nombre de militaires patrouillant dans la région, les intérêts économiques en jeux sont si importants que le gouvernement fournit un protection a une compagnie étrangère. J’avais en effet entendu que des troubles avaient éclatés entre les exploitants et quelques groupes ethniques vivant dans cette région, ce qui n’est pas très étonnant à la vue des travaux titanesques d’extraction. Dans tous les cas, avec toutes ces kalashnikovs et un véhicule amphibie datant des années soixante, il y a comme un air de guerre du Vietnam ici. Mais rassurez vous, les militaires sont extrêmement gentils avec nous, un gradé inciste même pour me payer une biere et a manger avant que l’on embarque sur le lac. Déjà gavé lors du mariage, je refuse toutefois son offre.

Nous rentrons à Ventiane par la route 13, traversant ainsi la région de montagnes proche de Vang Vien, avant d’entamer notre route vers le Sud en direction de la grotte de Kong Lor. Les habitants de St-Léonard en Valais ont de quoi être jaloux. Ici, la rivière Nam Hinboun parcourt près de 7.5 kilomètres dans une impressionnante grotte de 30 à 100 mètres de diamètre creusé par les flots au travers des roches karstiques de la région. Il semble que depuis bien longtemps les locaux connaissaient et utilisaient cette voie de communication, mais la cartographie de celle-ci ne date que des années 90. « À moins de 500 mètres du confluent du Nam Tôn, s’ouvre dans la montagne une superbe grotte dont la voûte irrégulière supporte d’énorme rochers en saillie, terminés par des stalactites. Des lianes, des plantes grimpantes, des arbustes l’encadrent jusqu’au sommet et adoucissent l’aspect sauvage de l’entrée du souterrain. L’eau dort à l’entrée, très limpide, reflétant comme un miroir les moindres détails du paysage. » écrivait ainsi le capitaine Cupet du deuxième régiment de zouaves en juillet 1887 lors de son exploration de l’Indochine à l’aide de locaux.[2]

Mr ViengFinalement, après avoir visité à Champasak le Wat Phu, le plus important temple Khmer hors du Cambodge, nous concluons notre voyage dans ce pays par le tour du fameux plateau des Boloven. Cette région fût formée par l’erruption d’un ancien volcan il y a plusieurs millions d’années. Nous passons trois jours en moto à la chasse des chutes d’eau au milieu des plantations de café et de thé. Le deuxième soir, nous arrivons chez Mr. Vieng (merci Pauline pour la recommandation) juste à temps pour observer et surtout sentir la torréfaction de son café. Il ne trie et torréfie que le cafe qu’il vend a ses hôtes, soit entre 300 et 500 kg par année. Nous passons la soirée dans ce havre de paix habité par les esprits animistes des populations locales. Le lendemain après une bonne tasse de café fraîchement torréfié, nous visitons les plantations des différentes variétés poussant au Laos : arabica, rubica et liberica. Au retour, nous en apprenons plus sur la vie des gens du village et du plateau. La demande de manioc pour la production de farine destinée a l’élevage animalier a fortement augmentée la dernière année, le gros revenus potentiel a donc pousse une majorite de la population a se lancer dans sa culture. C’est ainsi que devant chaque maison sèche désormais du manioc tranchés, mais avec autant de précipitations les prix risquent de chuter fortement.

Dès que l’on sort des circuits habituels, on est accueilli par une foule de locaux très heureux de partager leur vie avec les visiteurs s’y aventurant. J’ai beaucoup aimé ce pays malgré les arnaques organisées des tuk-tuk dans les grondes villes.. Je vous recommande volontiers d’y allaer..

 [1] La Plaine des Jarres, Plains of Jars (en)
 [2] Tham Konglor – La Nam Hin Boun souterraine

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Farang Farang

Qu’il est dur de retomber sur terre après avoir visité le Myanmar. Du côté thaïlandais du pont de l’amitié – ouvert tout récemment aux touristes – je retrouve des comportements humains presque oubliés. Il y a des gens énervés, fermés, froids ou sans égards. Aussi étrange que cela puisse paraître pour ceux qui ont déjà eu la chance de voyager en Thaïlande, il y a un vrai contraste avec le Myanmar et il faut admettre que l’on s’habitue très vite au calme et à l’amabilité. La fin de mon trajet pour quitter ce pays m’a fait réaliser que je ne le saisirai probablement jamais complètement. Pour décrire l’honnêteté des birmans, je raconte, désormais, ce que j’ai vu juste avant de partir : Dans la banque où je change mes derniers milliers de kyats – moins de dix dollars – un policier s’affaire à remplir deux sacs plastiques avec de grosses liasses de billets. Même si les coupures du pays sont petites, il y en a probablement pour quelques milliers de dollars, soit plusieurs années de salaire moyen. Une fois les sacs pleins, l’agent les remets à deux jeunes hommes en scooter qui se chargent du transport de fond. Je reste bouche bée et n’en revient pas encore.

Trente heures de bus plus tard aux travers des montagnes birmanes sur cette route à sens unique alternant chaque jour, puis sur les superbes autoroutes thaïlandaises, je débarque à Chiang Maie en pleine folie de fin de semaine. Les touristes, probablement effrayés par la situation pré-élection quelques peu troublées à Bangkok, ont fuis en plus grand nombre que d’habitude vers cette petite ville du centre Nord. Je me réjouis bien sûr de retrouver de petits cafés et restaurants charmants à la décoration soignée, aux tables hautes et menus en papier glacé, agrémenté de Wifi à haut débit. Toutefois, j’ai vraiment du mal à supporter ce raz-de-marée de touristes de divers genres : retraités fortunés, vacanciers stressés, ou bobos et pseudo-hippies mangeant des burgers… Au fait, les signes les plus flagrants m’indiquant que je suis de retour à la civilisation – enfin, à l’économie globalisée – sont la présence des grandes chaînes de restauration rapide, tel que la double-arche jaune sur fond rouge. Bref, je fuis un peu le tumulte et me cache dans un sympathique café juste à l’extérieur des anciennes murailles de la ville.

Trek vers Nan avec SeviAprès quelques jours dans ce fourmillement humain, j’ouvre une carte de la Thaïlande pour y trouver des endroits hors des circuits habituels pour partir marcher dans la nature. Le lendemain, je saute dans un bus local, à la grande surprise du contrôleur, pour Nan. Cette paisible bourgade située dans les collines au Nord-Est du pays est connue des touristes thaïlandais pour ses temples charmants et son calme. C’est aussi ma base pour partir deux jours en trek avec Sevi, un suisse-allemand croisé au hasard de la seule agence. Puis, après un arrêt quelques jours à Chiang Raie, je me dirige à Tha Ton au Nord-Ouest d’où je visite, à nouveau avec Lara, la région du Doi Mae Salong. Ce bout de Thaïlande bordant le Myanmar présente de magnifiques collines couvertes de cerisiers (dont on a malheureusement raté la floraison pour quelques jours), de bambous et de thé, le tout surplombant les plantations de courges et les rizières verdoyantes dans les plaines. Pour quelques heures nous nous promenons en Chine. Cette région fût en effet, à la fin des années quarante, le point de retraite d’une poignée de divisions rebelles de l’armée nationaliste chinoise refusant l’autorité du nouveau régime communiste. Trente ans plus tard, totalement coupé de la Chine, ils recevront du gouvernement thaïlandais la nationalité en échange d’un coup de main pour vaincre les communistes thaïlandais, ainsi que l’arrêt de la production d’opium en faveur du thé.

Trek near Tha TonLors de mes deux treks, je me balade au travers de forêts de graminées géantes – les bambous, un comble pour quelqu’un souffrant du rhume des foins. Dans la jungle, les locaux très habiles avec leur machette nous fabriquent couverts, tasses et casserole dans cet excellent matériaux pour toute sorte de construction de l’éventail à la maison. Les bambous doivent leur abondante présence à l’intervention humaine. Les collines furent déboisées par brulis pour la production locale de riz de montagne et d’autres céréales, puis avec la globalisation ces cultures furent laissées en grande partie à l’abandon, où cette plante envahissante a profité de prendre toute la place disponible. Aux environs des villages, les habitants des villages font désormais pousser extensivement des « cash crops » tel que le maïs servant pour la production animale chinoise. Et, au vue l’augmentation de la demande en caoutchouc, les nouvelles plantations d’évea remplacent petit à petit le bois de teak. Durant les treks, je loge chez l’habitant, chez qui j’ai fait de belles et authentiques rencontres avec des thaïlandais très ouverts et fort accueillants.

Au gré des marchés thaïlandais, je découvre une palette encore plus large de nourriture étrange. Premier constat, les thaïlandais mangent tout : poumons de poulets, crapeaux entiers, blattes germaniques, sang coagulé, chauve-souris, tout passe à la casserole ou pas… Sur sur recommandation de locaux, je goûte le whisky de riz agrémenté de racine, de la viande crue épicée et assaisonnée – qui n’est pas sans rappeler nos succulents tartares, sauf que la viande est coupée ici en plus larges cubes – des pâtes de poulets à la vapeur, de petits grillons fris et des vers blancs grillés. Je dois avouer que ces insectes sont même très bons surtout légèrement salés et accompagnés de quelques herbes aromatiques. Comme j’aime l’expliquer, l’entomophagie – la consommation humaine d’insectes – pourrait régler les problèmes alimentaires de l’humanité. En effet, grâce à leur fort taux de conversion méthabolique, ceux-ci nécessitent bien moins d’apport de nourriture pour la synthèse de protéine – vingt fois moins que du boeuf[1] – avec pratiquement aucun apport d’eau, puisque ils la puisent de leur nourriture et une place quasiment nulle. De plus, ceux-ci se reproduisent bien plus rapidement que les autres animaux tout en émettant très peu de gaz à effet de serre. Les insectes, en plus de le forte teneur en protéine (jusqu’à 70% de leur poids), constituent un apport complet de micronutriments comprenant tous les acides aminés essentiels, ainsi que du fer, du calcium et diverses vitamines. L’Europe a du reste démarré récemment le projet de recherche PROteINSECT pour l’utilisation de protéines d’insectes dans l’alimentation animale et humaine.[2] Dans quelques années, il sera peut-être normal de manger des aliments à base d’insectes même sur le vieux continent, un des seuls à ne pas (plus?) en consommer. Au fait, si vous ne pouvez plus attendre, Exo, une Kickstarter récente, vient de lever cinquante milles dollars (soit plus du double de leur but initial) pour fabriquer une barre protéinée à base de farine de criquet.

Bureaucratie oblige, ma traversée par la voie terrestre vers la Thaïlande ne m’a permis d’obtenir qu’un visa de quinze jours, je suis donc forcé durant mon séjour de faire une petite ronde de visa. Le plus simple au Nord du pays est de retourner au Myanmar. Je me réjouis de retourner dans cet eldorado, dans cet endroit unique d’authenticité… mais après avoir passé les formalités d’entrée, je déchante immédiatement. Lorsque je refuse les tours organisés pour visiter la ville, on me propose des filles. Je me rend compte que Tachilek est une ville qui ferait froid dans dos aux plus fervent catholiques : luxure, arrivisme, orgueil… On y trouve un large marché en duty free d’habits, d’électronique, d’alcool et de tabas, ainsi qu’une dizaine de casinos et des maisons closes espérant détourner le tourisme du sexe thaïlandais. Ici les kyats ne sont pas acceptés, cette ville vit par et pour sa voisine la Thaïlande. Ma conclusion, ne perdez pas votre temps à visiter cette ville pour voir un aperçu du Myanmar, rien n’est plus différent du reste du pays que ce petit coin de perdition.

Je profite également de mon séjour au Nord pour faire un tour au Phu Chi Fa – littéralement, Le Rocher qui Pointe le Ciel. Après un joli coucher de soleil et de bonnes rigolades avec un groupe de dentistes thaïlandais venant s’occuper des populations tribales dans les villages avoisinants, je passe la nuit à la belle étoile. Le matin, au sommet de ce fameux rocher thaïlandais, j’observe le retour de l’astre lumineux au-dessus du Laos. Dans l’écume de la brume matinale pointent quelques cîmes rocheuses. L’horizon est fendu en deux, en bas le gris des nuages et au-dessus un dégradé incroyable du rouge au jaune continuant jusqu’au bleu sombre dans le ciel. La région au pied du rocher, jusqu’au Mékong plus à l’Est, appartenait à la Thaïlande qui l’a cédée à l’empire colonial français; selon les versions, sur menace d’une invasion ou par un simple échange de bon procédé. J’ignore toujours les intérêts stratégiques de ce petit bout de terres.

Que conclure de ce passage en Thaïlande ? J’ai volontairement évité au mieux les coins habituellement visités en Thaïlande par les occidentaux, mais si vous voulez avoir un aperçu édulcoré de l’Asie pour commencer à y voyager, je la recommande volontiers. Vous y trouverez facilement tout le confort occidental dans une ambiance asiatique et quelques écarts hors des sentiers battus vous feront voir un côté encore plus humain et chaleureux des thaïlandais. La modernité rapproche les thaïlandais de notre culture, mais ils gardent, en général, leur plus grand sourire et seront ravis de vous aider peu importe où que vous soyez.

 [1] Capinera, John L. (2004). Encyclopedia of Entomology. Kluwer Academic Publishers. ISBN 0-7923-8670-1.
 [2] Cordis Europa

Plus sur l’entomophagie : Edible insects Future prospects for food and feed security from the FAO Food and Agriculture Organization of the United Nations (2013).

NB : Si vous vous êtes curieux et observateur, vous vous demandez déjà d’où viennent les photos de plats thaïlandais. Et bien, le jour avant mon départ de Thaïlande pour le Laos, j’ai partagé une journée imprévue de cours de cuisine avec la despotique et énergique Tik, un petit bout de femme d’une soixantaine d’année, qui nous en a fait voir de toutes les couleurs…

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Dashain à Changu Narayan

En attendant d’autres récits, je vous propose de retourner quelques mois en arrière, plus exactement au début octobre, lorsqu’avec Lara, nous avions partagé le Dashain avec une famille népalaise. Le texte et les photos sont de Lara. Ce billet a été publié initialement le 30 octobre 2013 sur Facebook.

Changu Narayan, oasis paisible sur le flanc d’une colline, à moins de 15 kilomètres de Katmandou, mais à plus d’une heure en microbus bondé! Un temple, quand même, et quelques magasins de souvenirs. Plus de poussière ni de klaxon. Coucher de soleil sur Katmandou, sur fond de montagnes.

DSCF5259_1Pradibna, Shoba, Prashanta, Prinsu, Nani, Babu, les grands-parents, les cousins, … Famille immense dans laquelle je me sens instantanément à ma place. Accueil chaleureux, le mot est faible. Générosité, gentillesse, et ces sourires aussi doux que le thé massala de Pradibna, le meilleur ! Le meilleur, parce qu’il est fait avec plein d’epices fraiches. Ou le meilleur, peut-etre, parce qu’il a le gout de ces choses preparees avec soin et partagees avec les gens qu’on aime. Le gout de ces choses qu’on ne trouve qu’a la maison.

Pradibna. Une des personnes les plus fascinantes qu’il m’aie été donné de rencontrer. Il entre à l’école à l’âge de 10 ans, après que sa route aie croisé par hasard, au retour d’une journée de travail aux champs, celle d’un mécène allemand. « Vas-tu à l’école ». « J’en rêve ». « Demain, je t’y emmène ». Il tient parole. Dès le lendemain et pendant 12 ans, il paie pour ses livres, ses frais d’écolage, des vêtements et des chaussures neufs. Ses premières chaussures en fait. Assoiffé de connaissance, et probablement déjà conscient de sa chance, élève surmotivé et brillant, le jeune Pradibna étudie, apprend l’anglais et tout ce qui lui est donné d’apprendre, pour la plus grande fierté de son « parrain ». Puis il travaille, épouse Shoba. Une fille, Prinsu, puis un fils un an plus tard, Prashanta. Avec l’argent, dont son parrain refuse le remboursement, il construit la maison familiale, et contribue à son tour à la scolarisation de ses frères et sœurs, puis à celle d’autres enfants du village. Tour à tour député de Changu Narayan, guide touristique, puis fondateur d’une entreprise d’import-export, chaque expérience représente un nouveau défi, une nouvelle occasion d’apprendre et de se surpasser. Pendant son mandat, le village voit naître de nombreux projets, sociaux ou touristiques, encore actifs aujourd’hui. L’artisanat local se développe, les premiers commerces ouvrent, les enfants vont plus à l’école et moins aux champs. Il apprend ensuite l’allemand, voyage, à la fois curieux et critique envers le monde qui l’entoure. Son caractère sociable, son sourire sincère et sa loyauté lui valent de nombreuses, longues et profondes amitiés à travers toute l’Europe. Travailleur acharné, résolument optimiste, sa réussite rayonne autour de lui.

Prashanta devient notre guide officiel. Visites de villages et de temples, retour à pied à travers les champs de patate et les rizières, traversée à gué de la rivière. Et surtout mille et une histoires passionnantes. Il raconte le passé. Religion, mythologie et culture se mêlent harmonieusement dans ces récits fantastiques. L’imagination de l’homme semble inépuisable lorsqu’il s’agit de comprendre et d’expliquer la merveilleuse complexité de notre monde. Il raconte le présent, la société népalaise. Politique, éducation, système de santé, tout y passe. Ouvert, étonnamment clairvoyant et critique pour son âge, il a un avis sur tout. Innée ou acquise, l’empreinte paternelle est indéniable. Voyage prévu en Europe l’année prochaine. Curieux, avide découverte, fan du Bayern de Munich, il rêve de faire un master en ingénierie en Allemagne et apprend la langue de Goethe par lui-même depuis quelques mois. Quelques restes de rébellion adolescente et un anticonformisme bien dosé pour mieux avancer, vivement qu’il vole de ses propres ailes!

Et Prinsu, étudiante en 2ème année de médecine, studieuse et pleine d’humanité, la fierté de son père, un magnifique médecin un devenir!

Certainement une des rares femmes de son village qui comprenne l’anglais, Shoba me répond de longues tirades en népalais, avec tellement d’aplomb! Lorsqu’ils sont là, es enfants traduisent. Sinon, complicité muette, nous rions toutes les deux. Il va falloir que je me mette sérieusement au népalais.

À la fois intrigués et amusés, les grands-parents nous observent, de leurs petits yeux vifs, cernés d’innombrables rides sages et profondes. L’histoire d’une vie de labeur, ses peines, mais surtout toutes ses joies, inscrites à même la peau, taillées par le burin indélébile du vent et du soleil. Piliers de cette grande famille dont ils doivent être si fiers, ils semblent heureux. Leur sourire accentue encore leurs rides aux coin des yeux. Le bonheur rend les gens beaux. Ils sont beaux, d’une beauté douce et paisible, une beauté comme plus riche, plus dense.

Et le Bénédiction par le grand-père PokharelDashain donc, festival hindou le plus important de l’année. Concentré de culture népalaise et d’hindouisme en quelques jours. Échantillon joyeux et coloré de cette religion aux 33 millions de dieux. 15 jours de célébration. On sacrifie, en fonction de ses moyens, buffles, chèvres, poules, canards ou pigeons, pour commémorer la victoire des déesses sur les démons, puis on mange de la chèvre pendant toute la semaine! Le dixième jour, l’ancêtre de la famille bénit chaque membre individuellement. Lorsqu’arrive mon tour, grand-père appose cérémonieusement le tika sur mon front. Il me souhaite un beau voyage, sans encombres, et surtout de revenir chez eux chaque année pour le Dashain! Éclat de rire général! Peut-être pas chaque année, mais je reviendrai.

Semaine magique. Je découvre encore un autre Népal, une fois de plus, simple et authentique comme j’aime. Je découvre un village, des amis, une famille qui m’accueille comme l’une des leurs, sans la moindre hésitation. L’hospitalité népalaise légendaire tient généreusement ses promesses! À peine partie, leurs sourires me manquent déjà!

Je découvre une culture, une religion. Je la vis de l’intérieur.

Et je découvre l’idéalisme. On m’a parfois reproché d’être trop idéaliste, voire naïve. Et là, Pradibna, ce petit bonhomme inépuisable. On l’a aidé, il aide. Il a reçu, il donne à présent à ceux qui en ont besoin. Persévérant, passionné, généreux, il m’impressionne, il me fascine presque. Il m’émeut. Une étincelle de malice dans son regard, un éclair presque enfantin, il nous pousse à croire comme lui, comme avant que la vie ne nous persuade du contraire, que tout est toujours possible. Il suffit d’y croire suffisamment fort. Moi j’ai envie d’y croire, et si on me traite d’idéaliste… Tant mieux !