Un brin de pérouésie

En attendant l’ultime récit de ce voyage presque terminé, je vous propose un peu de poésie libre qu’un ami de voyage a écrite à propos du Pérou.

En remontant le cours de l’Urubamba.

Après le Salkantay et ses glaciers, la descente en zone subtropicale…

Un opossum passe d »une branche à l’autre.
Des oiseaux trop discrets pépient.
Vol ivre des papillons au nom si suave ici.*
La végétation est dense. Les verts vivent, s’affrontent, se répondent.
Sur le ballast, l’acier luit.

Des coups de trompe, il faut s’écarter.
Perurail est moderne, mais suffisamment lent.
Les pistons, les bielles,se sont effacées.
Seule la graisse tâche encore les traverses.

L’Urubamba s’assoupit sur de rares paliers de bancs de sable avant de s’engouffrer entre des blocs colossaux, en rapides saccades, cascades et remous effroyables.

De part et d’autre, les parois de granit ne connaissent ni pente ni oblique.
Seuls l’abrupt, le vertical s’élèvent si haut où se déploient et se recomposent sans fin les brumes.

Deux tunnels et la voie ferrée penètre Aguas Calientes, récente horreur qui fait que le Pérou vit une époque moderne: Pizza, Snack, Coffee, Minimarket. Des trains y déchargent des passagers aussitôt engloutis des bus et combis qui klaxonnent et foncent.

Un sentier s’en échappe sous la sombre émeraude.
Puis des échelles démentielles de branches clouées, des cataractes de pierres, parfois un câble, adossées au ciel d’où ruisselle l’étain.
Aguas Calientes n’est plus qu’un plan.
En contrebas, gronde et roule l’Urubamba.
« Subir, subir, subir »*
Autour le vide,
impitoyable.
Au sommet épargné, des roches mastodontes érodés, Putukusi.
En face, sur des terrasses trop vertes, se meuvent de dérisoires points colores.

Le lendemain, après le tumulte nocturne continu de l’Urubamba, plus du triple d’amplitude d’escaliers.

* Mariposa
* gravir, gravir, gravir

 

Après un bus de nuit :
Vols de jour.

Un jour dans les Andes argentines à deux pas de l’Aconcagua,
le tour du Salkantay, Putukusi, Machu Picchu,
Cusco, des trésors incas détruits aux Indiens éblouis des ors catholiques,
sa procession démentielle, sur les épaules dévotes meurtries le poids torrentiel de l’argent sous les broderies,
tous les saints en fuite,
des souvenirs enfouis les images s’enfuient,
envolés,
ô mémoire fragile, révelateur futile, fixateur si utile…,

À une lieue de Cabanaconde, la Cruz del Cóndor domine le cañon.
Le lieu est propice: au matin, les falaises s’échauffent, l’air est porteur, les condors défient l’apesanteur.
Si peu battent leurs ailes.
Ballet silencieux, cous rentres, rémiges écartées, tout parait si simple.
En dessous, quelque mille mètres plus bas,
coule un rio,
une fraction d’éternité.

À Nasca, dès que s’envole la brume pernicieuse, décolle le coucou, il virevolte et se gausse de la rectitude de la Panaméricaine.
Depuis un à deux millénaires,
perroquet, alcatraz oiseau-serpent, pélican, condor, colibri,
oiseaux nasca, paracas ou wari,
au sol ont figé leur vol.

Yves Raidelet

Dashain à Changu Narayan

En attendant d’autres récits, je vous propose de retourner quelques mois en arrière, plus exactement au début octobre, lorsqu’avec Lara, nous avions partagé le Dashain avec une famille népalaise. Le texte et les photos sont de Lara. Ce billet a été publié initialement le 30 octobre 2013 sur Facebook.

Changu Narayan, oasis paisible sur le flanc d’une colline, à moins de 15 kilomètres de Katmandou, mais à plus d’une heure en microbus bondé! Un temple, quand même, et quelques magasins de souvenirs. Plus de poussière ni de klaxon. Coucher de soleil sur Katmandou, sur fond de montagnes.

DSCF5259_1Pradibna, Shoba, Prashanta, Prinsu, Nani, Babu, les grands-parents, les cousins, … Famille immense dans laquelle je me sens instantanément à ma place. Accueil chaleureux, le mot est faible. Générosité, gentillesse, et ces sourires aussi doux que le thé massala de Pradibna, le meilleur ! Le meilleur, parce qu’il est fait avec plein d’epices fraiches. Ou le meilleur, peut-etre, parce qu’il a le gout de ces choses preparees avec soin et partagees avec les gens qu’on aime. Le gout de ces choses qu’on ne trouve qu’a la maison.

Pradibna. Une des personnes les plus fascinantes qu’il m’aie été donné de rencontrer. Il entre à l’école à l’âge de 10 ans, après que sa route aie croisé par hasard, au retour d’une journée de travail aux champs, celle d’un mécène allemand. « Vas-tu à l’école ». « J’en rêve ». « Demain, je t’y emmène ». Il tient parole. Dès le lendemain et pendant 12 ans, il paie pour ses livres, ses frais d’écolage, des vêtements et des chaussures neufs. Ses premières chaussures en fait. Assoiffé de connaissance, et probablement déjà conscient de sa chance, élève surmotivé et brillant, le jeune Pradibna étudie, apprend l’anglais et tout ce qui lui est donné d’apprendre, pour la plus grande fierté de son « parrain ». Puis il travaille, épouse Shoba. Une fille, Prinsu, puis un fils un an plus tard, Prashanta. Avec l’argent, dont son parrain refuse le remboursement, il construit la maison familiale, et contribue à son tour à la scolarisation de ses frères et sœurs, puis à celle d’autres enfants du village. Tour à tour député de Changu Narayan, guide touristique, puis fondateur d’une entreprise d’import-export, chaque expérience représente un nouveau défi, une nouvelle occasion d’apprendre et de se surpasser. Pendant son mandat, le village voit naître de nombreux projets, sociaux ou touristiques, encore actifs aujourd’hui. L’artisanat local se développe, les premiers commerces ouvrent, les enfants vont plus à l’école et moins aux champs. Il apprend ensuite l’allemand, voyage, à la fois curieux et critique envers le monde qui l’entoure. Son caractère sociable, son sourire sincère et sa loyauté lui valent de nombreuses, longues et profondes amitiés à travers toute l’Europe. Travailleur acharné, résolument optimiste, sa réussite rayonne autour de lui.

Prashanta devient notre guide officiel. Visites de villages et de temples, retour à pied à travers les champs de patate et les rizières, traversée à gué de la rivière. Et surtout mille et une histoires passionnantes. Il raconte le passé. Religion, mythologie et culture se mêlent harmonieusement dans ces récits fantastiques. L’imagination de l’homme semble inépuisable lorsqu’il s’agit de comprendre et d’expliquer la merveilleuse complexité de notre monde. Il raconte le présent, la société népalaise. Politique, éducation, système de santé, tout y passe. Ouvert, étonnamment clairvoyant et critique pour son âge, il a un avis sur tout. Innée ou acquise, l’empreinte paternelle est indéniable. Voyage prévu en Europe l’année prochaine. Curieux, avide découverte, fan du Bayern de Munich, il rêve de faire un master en ingénierie en Allemagne et apprend la langue de Goethe par lui-même depuis quelques mois. Quelques restes de rébellion adolescente et un anticonformisme bien dosé pour mieux avancer, vivement qu’il vole de ses propres ailes!

Et Prinsu, étudiante en 2ème année de médecine, studieuse et pleine d’humanité, la fierté de son père, un magnifique médecin un devenir!

Certainement une des rares femmes de son village qui comprenne l’anglais, Shoba me répond de longues tirades en népalais, avec tellement d’aplomb! Lorsqu’ils sont là, es enfants traduisent. Sinon, complicité muette, nous rions toutes les deux. Il va falloir que je me mette sérieusement au népalais.

À la fois intrigués et amusés, les grands-parents nous observent, de leurs petits yeux vifs, cernés d’innombrables rides sages et profondes. L’histoire d’une vie de labeur, ses peines, mais surtout toutes ses joies, inscrites à même la peau, taillées par le burin indélébile du vent et du soleil. Piliers de cette grande famille dont ils doivent être si fiers, ils semblent heureux. Leur sourire accentue encore leurs rides aux coin des yeux. Le bonheur rend les gens beaux. Ils sont beaux, d’une beauté douce et paisible, une beauté comme plus riche, plus dense.

Et le Bénédiction par le grand-père PokharelDashain donc, festival hindou le plus important de l’année. Concentré de culture népalaise et d’hindouisme en quelques jours. Échantillon joyeux et coloré de cette religion aux 33 millions de dieux. 15 jours de célébration. On sacrifie, en fonction de ses moyens, buffles, chèvres, poules, canards ou pigeons, pour commémorer la victoire des déesses sur les démons, puis on mange de la chèvre pendant toute la semaine! Le dixième jour, l’ancêtre de la famille bénit chaque membre individuellement. Lorsqu’arrive mon tour, grand-père appose cérémonieusement le tika sur mon front. Il me souhaite un beau voyage, sans encombres, et surtout de revenir chez eux chaque année pour le Dashain! Éclat de rire général! Peut-être pas chaque année, mais je reviendrai.

Semaine magique. Je découvre encore un autre Népal, une fois de plus, simple et authentique comme j’aime. Je découvre un village, des amis, une famille qui m’accueille comme l’une des leurs, sans la moindre hésitation. L’hospitalité népalaise légendaire tient généreusement ses promesses! À peine partie, leurs sourires me manquent déjà!

Je découvre une culture, une religion. Je la vis de l’intérieur.

Et je découvre l’idéalisme. On m’a parfois reproché d’être trop idéaliste, voire naïve. Et là, Pradibna, ce petit bonhomme inépuisable. On l’a aidé, il aide. Il a reçu, il donne à présent à ceux qui en ont besoin. Persévérant, passionné, généreux, il m’impressionne, il me fascine presque. Il m’émeut. Une étincelle de malice dans son regard, un éclair presque enfantin, il nous pousse à croire comme lui, comme avant que la vie ne nous persuade du contraire, que tout est toujours possible. Il suffit d’y croire suffisamment fort. Moi j’ai envie d’y croire, et si on me traite d’idéaliste… Tant mieux !

People 125 contre le Yéti

Texte invité par Yves

On a tous entendu parler du yéti, l’abominable homme des neiges, une créature légendaire supposée hanter les vallées de l’Himalaya. Les théories sur l’origine de cette légende sont multiples. Plusieurs témoins ont rapporté avoir rencontré une sorte d’hominidé, d’une taille d’environ 2m, poilu, ressemblant à un gorille [1]. Un rapport scientifique a récemment fait état de la découverte de poils qui pourraient provenir d’un plantigrade issu du croisement d’un ours blanc avec un ours brun [2]. Randall du site web scientifique XKCD tend quant à lui à exclure l’existence du yéti. Son argumentation repose sur l’observation qu’une existence éventuelle aurait dû être prouvée par une photographie avec une très grande certitude, sachant qu’à l’heure actuelle, environ 99,9% de la population mondiale porte constamment un appareil électronique capable de prendre des photographies [3].

En l’état actuel de nos connaissances, une rencontre avec un yéti semblait donc improbable, c’est pourtant ce qui nous est arrivé à Lara, Jürg, François et moi, autrement dit les fameux « People 125 », le lundi 21 octobre 2013 lors de notre trek sur le circuit des Annapurnas au Népal. Aux alentours de 15h ce jour-là, nous étions en chemin entre Chame et Bharantang lorsque s’est présenté un embranchement du sentier mal répertorié sur notre carte. Comme mes compagnons étaient fatigués, j’ai pris la décision de partir seul courageusement, ou peut-être inconsciemment si on considère la suite des événements, en reconnaissance de cet éventuel itinéraire alternatif. Après m’être enfoncé d’une cinquantaine de mètres dans le sous-bois qui bordait l’itinéraire principal, j’ai soudain vu des buissons frémir. Interloqué, je me suis approché afin d’investiguer l’origine de cette agitation. C’est alors qu’a surgi un yéti, qui s’est sauvagement rué vers moi. Jamais je n’oublierai son regard farouche, sa tête de gorille, ses rugissement assourdissants, ses poils hirsutes, ses dents acérées, l’odeur âcre de sa respiration, l’impression que le sol tremblait sous son poids. J’étais pétrifié par la terreur. Malgré sa masse imposante, en quelques pas il m’avait rejoint, et d’un coup du revers de la main, j’étais jeté au sol. Curieusement, sa main m’a laissé un souvenir marquant (au sens figuré en plus du douloureux sens propre) par le fait qu’elle m’était étrangement familière. Je rejoins alors les témoins qui parlent d’hominidés.

Le yéti
Photographie du spécimen de Yéti rencontré lors du tour des Annapurnas. Photographe lara.

J’étais donc à terre, et j’ai tenté d’alerter mes compagnons, mais un nouveau coup m’a assomé et mis un terme à mes cris d’alarme. Quand j’ai finalement repris connaissance, le yéti était engagé dans une sorte de duel de hurlements avec mes camarades. Bizarrement, il semblait effrayé, certainement à cause du peu de rencontres qu’il a dû avoir avec des humains. J’ai su saisir ma chance, je me suis levé d’un bond et j’ai couru aussi vite que possible vers le chemin principal. J’ai pu rejoindre mes amis, mais le temps que je me retourne, le yéti avait disparu.

Nous avons immédiatement décidé d’entreprendre une traque afin d’en apprendre plus sur ce spécimen. Malheureusement, il n’a laissé que peu de traces exploitables qui n’ont pas permis de le retrouver, ainsi les quelques photographies que nous avons prises (dont celle reproduite ici) constituent l’unique preuve de notre rencontre avec un abominable homme des neiges.

Après cette terrifiante expérience, nous sommes partagés quant aux actions futures à entreprendre. Dans l’intérêt de la science, il faudrait évidemment monter une expédition pour tenter de retrouver le yéti, maintenant que son existence est avérée et sa position approximativement connue. Toutefois, d’un point de vue éthique, il n’est certainement pas justifié de tenter de le capturer, et ce d’autant plus qu’il semble être un primate. Finalement, c’est le bon sens qui a motivé notre décision finale: tenter de capturer une sorte de gorille de 250kg clairement violent sur un terrain aussi inhospitalier que l’Himalaya est définitivement plus dangereux que récupérer d’un trek à Katmandou en buvant des bières avec des potes et en traînant dans des boulangeries pour les Z’nüni et les Z’vieri (c’est ça de partir en voyage avec un Suisse-Allemand) et en général les Z’k-i, k ∈ {0,1,2,3,…,23} (et c’est ça de partir en voyage avec un physicien-mathématicien), même si les chili momos te démontent la face plus violemment qu’une baffe de yéti!

[1] Reinhold Messner, « My quest for the Yeti: confronting the Himalayas’ deepest mystery »
[2] Bryan Sykes, unpublished results
[3] xkcd.com/1235

Le Mustang, c’est …

Chers lecteurs, voilà une nouvelle catégorie « invité  » sur mon blog. Je vous partagerai des textes écrits par des amis voyageant aux même endroits que moi ou avec moi. Sans plus attendre, le premier billet de cette rubrique à propos du Haut Mustang.

Publié initialement le 14 octobre 2013

Le Mustang, c’est sec, sauvage, aride. C’est le désert à la montagne, la steppe mongolienne en trois dimensions. C’est ocre, gris, vert, rouille, dans des nuances infinies.

C’est aussi un peu le Grand Canyon, les gorges profondes de la Kali Gandhaki, pratiquement asséchée en cette saison, où les derniers filets d’eau dessinent des courbes énigmatiques.

Le Mustang, c’est le silence, régulièrement interrompu par le crissement de la terre sous nos semelles. C’est le vent, sa caresse sur nos peaux et sa mélodie à nos oreilles. Il siffle, hurle, fait claquer les drapeaux de prière au sommets des cols, et valser la poussière au tempo des rafales. Tourbillons parfois violents. Nous courbons l’échine et battons en retraite derrière nos cagoules.

Le Mustang, c’est nuageux, un peu trop souvent à mon goût. Cumulus, nimbus et autres cirrus, paresseusement lovés sur les reliefs, s’élevant en volutes légères, qui semblent émaner des montagnes elles-mêmes ou déchirés par les cimes qu’ils défient et tentent hardiment d’occulter. Leur ombre se projette sur le flanc des montagnes. C’est un jeu de lumière, un pochoir géant avec le soleil, aussi magique qu’éphémère.

Le Mustang, c’est chaud. C’est même un sacré cagnard parfois. C’est un arc-en-ciel autour du soleil. Et soudain, une tempête. C’est le froid, la pluie et même la neige au passage du col à 4200 mètres. C’est le brouillard, véritable purée de pois. Visibilité quasi nulle. Fatiguée, frigorifiée, trempée jusqu’à la culotte, déçue. Mais heureusement, c’est aussi un thé brûlant et bien sucré près du poêle, dans la cuisine sombre et enfumée d’un monastère. Réchauffée, requinquée, réconfortée.

Ce sont, au loin, ces sommets enneigés. 7000, 8000 mètres, si près du ciel! Massifs, majestueux, ils imposent le respect et nous rappellent la petitesse de notre condition humaine. Nilgiri, Dhaulagiri, Annapurnas, c’est la poésie de l’Himalaya. Ils voient tout, et posent leur regard bienveillant sur notre périple. Après plus d’une semaine, je les contemple enfin en retour. 6h du matin, les nuages ont renoncé, ciel bleu. Seule sur le toit de l’hôtel, lever du soleil sur le toit du monde. Un cadeau, un trésor. C’est la magie de l’Himalaya.

Le Mustang, c’est marcher pendant des heures sur des routes en construction, des sentiers rocailleux, ou à travers d’immenses pierriers. C’est monter, descendre, pour remonter encore. Passer des cols pour rallier des villages, éparpillés, semble-t’il au hasard, par une main invisible. Trois ou quatre maisons parfois, et autant de chortens et de monastères. C’est coloré. Blanc, rouge, bleu, jaune, vert, comme les drapeaux de prière. Ce sont des femmes en habits traditionnels qui font la lessive ou la vaisselle dans la rivière, des enfants qui jouent, espiègles et poussiéreux, des hommes, des femmes et des enfants qui rentrent des champs, croulant sous le poids la récolte du jour. Et à chaque fois, c’est « Namasteeee! ».

Ce sont les soirées dans les maisons de thé. Ce sont didi et bohini, véritables maîtresses de maison. Les yeux rieurs, leur sourire timide réchauffent l’atmosphère bien mieux que le vieux poêle. Enveloppés dans nos polaires : une soupe, du daal bath ou des röstis (!), un thé massala, un livre et, le luxe absolu, rare, une douche chaude.
Le Mustang, faune et flore. Faune surtout. Ce sont des vaches, des ânes, des poules, des chèvres, des chevaux, au détour d’un chemin ou d’une ruelle. Une volée de corbeaux, un aigle, immense, qui plane gracieusement. Une marmotte, un lièvre et deux yacks!

Mon Mustang, c’est un rêve – euh! un trek de 10 jours, 55 heures de marche, environ 200 km et 7300 mètres de dénivelé, à la découverte ce monde inconnu. Jusqu’à ne plus pouvoir mettre un pied devant l’autre, mais sans arrêter de sourire, jamais. C’est ressentir l’altitude, pour la première fois au-dessus de 4000 mètres. Puis s’acclimater, et ne plus la ressentir. Ce sont Lakba et Tenzi, guide et porteur, issus d’une famille Sherpa, le regard doux et pétillant, le visage tanné par le soleil, qu’un éclat de rire illumine à la moindre plaisanterie. Un anglais hésitant, des compétences parfois douteuses, mais une bonne humeur et une gentillesse sans bornes. Ils chantent avec le vent, même à 4000 mètres d’altitude!

Le Mustang ou Royaume du Lo. En tibétain Mun Tang, Plaine Fertile. C’est un monde à l’écart du monde. C’est un bout de Tibet dans le Népal. Monarchie, abolie en 2008, mais qui n’a rien perdu de sa majesté.

Le Mustang, c’est simple et authentique. Je suis séduite. C’est une déconnexion, au sens propre et figuré. Plus de natel, plus d’internet, plus d’e-mail, plus de sms, plus de WhatsApp ni de Facebook. Moyens de communication modernes, finalement autant d’entraves et de dépendances. Un sevrage bienvenu. Ne plus attendre, ne plus anticiper. Seul le présent importe. Simplement être là et oublier le reste. Vivre pleinement et intensément chaque instant. Profiter de chaque rayon de soleil, chaque brise et chaque bourrasque. Chaque montagne, chaque colline, chaque caillou. Chaque « Namaste », chaque regard, chaque sourire.

Plein les mirettes et plein les guiboles. Le Mustang, c’est tout ça. Mais le Mustang, c’est bien plus. Les mots et les photos ne suffisent pas. Ils ne sont jamais qu’une banale retranscription, une copie floue et terne de cette réalité indescriptible, indicible. Simplement unique.