Texte invité par Yves
On a tous entendu parler du yéti, l’abominable homme des neiges, une créature légendaire supposée hanter les vallées de l’Himalaya. Les théories sur l’origine de cette légende sont multiples. Plusieurs témoins ont rapporté avoir rencontré une sorte d’hominidé, d’une taille d’environ 2m, poilu, ressemblant à un gorille [1]. Un rapport scientifique a récemment fait état de la découverte de poils qui pourraient provenir d’un plantigrade issu du croisement d’un ours blanc avec un ours brun [2]. Randall du site web scientifique XKCD tend quant à lui à exclure l’existence du yéti. Son argumentation repose sur l’observation qu’une existence éventuelle aurait dû être prouvée par une photographie avec une très grande certitude, sachant qu’à l’heure actuelle, environ 99,9% de la population mondiale porte constamment un appareil électronique capable de prendre des photographies [3].
En l’état actuel de nos connaissances, une rencontre avec un yéti semblait donc improbable, c’est pourtant ce qui nous est arrivé à Lara, Jürg, François et moi, autrement dit les fameux « People 125 », le lundi 21 octobre 2013 lors de notre trek sur le circuit des Annapurnas au Népal. Aux alentours de 15h ce jour-là, nous étions en chemin entre Chame et Bharantang lorsque s’est présenté un embranchement du sentier mal répertorié sur notre carte. Comme mes compagnons étaient fatigués, j’ai pris la décision de partir seul courageusement, ou peut-être inconsciemment si on considère la suite des événements, en reconnaissance de cet éventuel itinéraire alternatif. Après m’être enfoncé d’une cinquantaine de mètres dans le sous-bois qui bordait l’itinéraire principal, j’ai soudain vu des buissons frémir. Interloqué, je me suis approché afin d’investiguer l’origine de cette agitation. C’est alors qu’a surgi un yéti, qui s’est sauvagement rué vers moi. Jamais je n’oublierai son regard farouche, sa tête de gorille, ses rugissement assourdissants, ses poils hirsutes, ses dents acérées, l’odeur âcre de sa respiration, l’impression que le sol tremblait sous son poids. J’étais pétrifié par la terreur. Malgré sa masse imposante, en quelques pas il m’avait rejoint, et d’un coup du revers de la main, j’étais jeté au sol. Curieusement, sa main m’a laissé un souvenir marquant (au sens figuré en plus du douloureux sens propre) par le fait qu’elle m’était étrangement familière. Je rejoins alors les témoins qui parlent d’hominidés.

J’étais donc à terre, et j’ai tenté d’alerter mes compagnons, mais un nouveau coup m’a assomé et mis un terme à mes cris d’alarme. Quand j’ai finalement repris connaissance, le yéti était engagé dans une sorte de duel de hurlements avec mes camarades. Bizarrement, il semblait effrayé, certainement à cause du peu de rencontres qu’il a dû avoir avec des humains. J’ai su saisir ma chance, je me suis levé d’un bond et j’ai couru aussi vite que possible vers le chemin principal. J’ai pu rejoindre mes amis, mais le temps que je me retourne, le yéti avait disparu.
Nous avons immédiatement décidé d’entreprendre une traque afin d’en apprendre plus sur ce spécimen. Malheureusement, il n’a laissé que peu de traces exploitables qui n’ont pas permis de le retrouver, ainsi les quelques photographies que nous avons prises (dont celle reproduite ici) constituent l’unique preuve de notre rencontre avec un abominable homme des neiges.
Après cette terrifiante expérience, nous sommes partagés quant aux actions futures à entreprendre. Dans l’intérêt de la science, il faudrait évidemment monter une expédition pour tenter de retrouver le yéti, maintenant que son existence est avérée et sa position approximativement connue. Toutefois, d’un point de vue éthique, il n’est certainement pas justifié de tenter de le capturer, et ce d’autant plus qu’il semble être un primate. Finalement, c’est le bon sens qui a motivé notre décision finale: tenter de capturer une sorte de gorille de 250kg clairement violent sur un terrain aussi inhospitalier que l’Himalaya est définitivement plus dangereux que récupérer d’un trek à Katmandou en buvant des bières avec des potes et en traînant dans des boulangeries pour les Z’nüni et les Z’vieri (c’est ça de partir en voyage avec un Suisse-Allemand) et en général les Z’k-i, k ∈ {0,1,2,3,…,23} (et c’est ça de partir en voyage avec un physicien-mathématicien), même si les chili momos te démontent la face plus violemment qu’une baffe de yéti!
[1] Reinhold Messner, « My quest for the Yeti: confronting the Himalayas’ deepest mystery »
[2] Bryan Sykes, unpublished results
[3] xkcd.com/1235