Un téléphone équitable ? Le Fairphone.

fairphone-logo@2x Après cinq ans de bons et loyaux services, j’ai décidé de troquer mon ancien téléphone contre un Fairphone. Mon vieux HTC trouve une deuxième vie et fait entrer ma maman dans le monde des téléphone intelligent — ou smartphone, pour les utilisateurs d’anglicismes. Mais qu’est-ce que ce téléphone équitable ? Qu’offre-t-il de plus par rapport au marché actuel ?

Alors que les premiers i-téléphone version six font la une en se pliant dans les poches de leur propriétaire, un groupe d’utilisateurs utilisent désormais un téléphone dont le modèle économique et la fabrication depuis l’extraction minière et l’impact environemental en passant par l’assemblage sont les plus équitables et responsables possible. Voilà les critères que se sont fixés les créateurs du Fairphone :

  • une meilleure redistribution des bénéfices le long de la chaîne de production,
  • un contrôle de la provenance des composants pour éviter le financement de groupes armés, impliqués dans des conflits,
  • le recyclage d’anciens téléphones au Ghana, où sont abandonnés de nombreux déchets électroniques
  • une moindre consommation en énergie et une facilitation de la réparation et du recyclage.

Sur leur site web tout est transparent et la progression vers ces objectifs sont exposé ouvertement aux internautes curieux dans leur roadmap. J’ai choisi arbitrairement quelques points que je trouve digne d’intérêt pour montrer la mise-en-œuvre et la cohérence de leurs idées.

FAIRPHONE CostBreakdown_150dpi_130913Par exemple, le prix de vente du téléphone est entièrement détaillé dans une découpe des coûts présentées par la coopérative. Il serait intéressant de voir les montants alloué à la publicité par les marques conventionnelles de téléphones portables, qui en fin de compte est subventionnée par les acheteurs. On notera aussi au niveau du modèle économique que la coopérative Fairphone s’est auto-financée par les pré-commandes de clients qui ont attendus, pour certains, plus d’un an avant de recevoir leur téléphone mais qui étaient convaincus par l’idée et on accepté d’investir dans celle-ci. Aujourd’hui, plus de temps d’attente, si ce téléphone vous intéresse, il y en a en stock et vous le recevrez en quelques jours !

L’extraction minière est réalisée uniquement dans des zones sans conflits pour stimuler les alternatives et aider les populations locales. J’espère que l’exemple du Fairphone fera école, car pour avoir vu des mines aux Laos et visités d’autres en Bolivie, l’exploitation des ressources naturelles n’est réalisée pratiquement que pour minimiser les coûts d’extraction.

L’analyse du cycle de vie complète est en train d’être réalisée, mais on relèvera en premier lieu que le Fairphone n’inclut dans son emballage ni chargeur mirco-usb, ni écouteurs mini-jack d’où une économie substantielle d’énergie grise puisque les utiliseurs peuvent simplement réutiliser ceux qu’ils possèdent déjà chez eux (à l’exception des utilisateurs de i-téléphones qui ne respectent pas, eux, les standards industriels en matière de chargeur).

Le design de ce téléphone s’oppose également à l’obsolécence programmée imposée par nombre de constructeurs. En effet, la réparabilité du Fairphone est qualifiée de relativement bonne d’après le site de réparation communautaire i-fixit et surtout Fairphone fournit la liste complète des composants ainsi que des manuels libres et gratuits de réparation. La batterie peut être remplacée sans outils et les utilisées vis sont standards.

Si vous voulez en lire plus, Le Temps a justement parlé de ce téléphone dans ces colonnes hier. La plus grande ombre qui pèse sur ce genre d’initiative à mon avis est que pratiquement tous les utilisateurs subventionnent par leurs abonnements le remplacement aux deux ans de leur appareils mobiles, il faudrait que l’on puisse payer des abonnements sans payer cette taxe incitant au gaspillage.

Resources CC-BY-NC-SA Fairphone

De l’économie des hiboucs

Changement de sujet! Je vous présente un petit coup de gueule sous forme de petit cours d’économie numérique pour les nuls (et surtout pour les vendeurs de livres en ligne) que j’ai ruminé à chaque fois que j’ai voulu m’acheter un nouveau livre électronique durant mon voyage.

Les hiboucs (plus souvent nommés ebooks ou livres électroniques) sont simplement des livres dématérialisés. Je n’entrais pas dans le débat sur l’intérét du grain du papier de certains amateurs de livres, car tout comme pour la musique et les vinyls, il existe et existera toujours des amoureux de l’objet en lui-même, mais ce n’est pas où je veux en venir.

ebook-tribehutD’un point de vue social et culturel, personne, même Monsieur Fnac dans son livre La Gratuité c’est du vol, ne doute de l’intérêt général que chacun ait accès à l’information et à la culture – même si là, la définition de celle-ci peut diverger. Les hiboucs ne contiennent donc que le texte sous forme électronique. Or, la fonction première des ordinateurs et de tous les appareils électroniques et de faire des copies, de transférer et d’afficher de l’information électronique. Nous possédons en plus de cela un outil fantastique, dont les penseurs du Siècle des Lumières n’auraient pas pu rêver : L’Internet. Toutes ces machines à copier sont, en effet, reliées entres elles par Le Réseau et peuvent donc potentiellement accéder à tout ce qui est mis en ligne. Tous les nouveaux livres et probablement une grande partie des anciens livres, ainsi que toutes leurs traductions, existent en version dématérialisée sur au moins un ordinateur. Ainsi, si on le souhaiterait, chacune de ces versions pourrait être accessible à toutes les autres machines du réseau et donc immédiatement à un nombre incroyable de lecteurs. La copie d’un livre d’une machine à l’autre a un coût économique quasiment nul et est techniquement basique du moment où il existe déjà une multitude de magasins électroniques dans lesquels il suffirait de déposer la première copie du livre.

Pourtant, tout n’est pas pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. Les maisons d’édition datant du siècle passé continuent de penser analogiquement qu’un hibouc est — ou, pour les plus évoluées, devrait être — l’équivalent pur et dur d’une copie papier. Or, la version papier d’un livre est un bien rival : je ne peux pas lire le livre si je vous le prête. Ainsi, des sommes d’argent considérables sont investies dans des moyens techniques, inefficaces pour la pluspart, pour raréfier et contrôler les versions électroniques. Ces sommes sont probablement bien plus importantes que celle qui seraient nécessaires à mettre à disposition tous les anciens livres et leur traductions. Continuons ce petit cours d’économie numérique, si il est possible de mettre en ligne un nombre gigantesque de livre pour une clientèle équivalente à la population connectée au réseau, nous pouvons ainsi facilement générer des revenus colossaux. Imaginez les revenus potentiels, s’il y a pour chaque édition de livre une petite centaine de lecteurs prêts à payer quelques dollars pour y accéder ! C’est ce que les économistes appellent la longue traîne. Dans la version matérielle ceci est plus dur, puisqu’il faut disposer d’une bibliothèque gigantesque avec tous les livres dans toutes les versions avec les coûts et les difficultés de distribution qui s’en suivent.[1] La demande cumulée pour les livres niches pourrait même dépasser la demande totale des bestsellers et donc être plus rentable que ces derniers. Oublions la loi classiques et désuète de Pareto qui dit que seul une production sur cinq sera rentable, surtout si le coût de mise en ligne est plus bas que de procéder à une analyse de marché. Passons du monde de la rareté à celui de l’abondance que nous offre la capacité de copie des machines de notre fabuleux réseau.

Pour résumé, il est possible et facile techniquement de mettre à disposition TOUS les livres dans TOUTES les langues à disposition sur le réseau et ainsi offrir un accès incroyable à la culture et à l’information à tout un chacun.[2] Et oui, je suis convaincu que les lecteurs sont prêts à payer un prix équitable, donc moindre que la version papier, pour un accès facile, direct, de qualité et sans verrou à sa lecture. Et, je ne doute pas que si l’accès légal et payant est plus aisé et plus rapide que de passer par la recherche sur des réseaux de distribution parallèle, l’énorme majorité passera par la caisse. Au lieu de cela, voilà la situation actuelle lorsque vous voulez acheter légalement un hibouc :

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Fnac: Titre non vendable dans votre zone géographique

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Thalia.ch: HINWEIS: Dieses eBook kann aus rechtlichen Gründen nur mit Rechnungsadresse in D, A, CH ausgeliefert werden.

Google: Sorry! Books on Google Play is not available in your country yet. We’re working to bring the content you love to more countries as quickly as possible. Please check back again soon.

Barns&Noble (Nook): We’re sorry, but this product is only available within the U.S.

Books a Million: This item is available only to U.S. billing addresses.

Tout ce que j’ai dis pour les livres est également vrai pour chaque morceau de musique, chaque article de presse, chaque film. J’ai un rêve que demain je pourrai lire n’importe quel livre dans n’importe quelle langue… et je suis même prêt à payer pour ce service. En attendant, je continuerai à contourner les limitations techniques et l’absence d’approvisionnement par les réseaux parallèles… Et si les grands éditeurs prétendent que la piraterie (mot utilisé à tort au fait… car je ne crois pas que l’internaute moyen procède par attaque armée pour obtenir ce qu’il veut) sape leurs revenus, je pense plutôt que c’est leur incompréhension des possibilités offertes par les nouvelles technologies qui en sont responsables. Je les encourage donc à lire L’Age du Peer ou The Long Tail de Chris Anderson qui nous dit si bien :

Le marché potentiel des livre pourrait être doubler, si seulement on sortait de l’économie de la rareté.

[1] Et pourtant, c’est le modèle de fonctionnement de Amazon, donc même dans l’économie matérielle la longue traîne fonctionne.
[2] Bien entendu, il reste encore beaucoup de monde à connecter au réseau, mais cela s’accélère et la distance moyenne à une machine connectée au réseau même dans les pays en voie de développement se réduit de jour en jour.

Photo ebooks et tablettes CC-BY-SA par Zak Mensah tribehut, Flickr